Ces textes sont issus de mon journal intime. Certains font écho à mon travail artistique, d’autres à cette mythologie personnelle dont je parle et qui est souvent tirée de mes rêves.
Tu vois quand tu m’as dis chienne, l’idée m’est venue de me demander quelle chienne je suis ?
Je pense être une chienne hybride, un mélange de dragon, de chihuahua et de gremlins peut-être.
Ça doit être ça.
C’est vrai que j’aboie beaucoup.
C’est vrai que je suis une chienne.
Des fois je rêve de Nicole Kidmann.
Elle est venue chez moi, une nuit, dans un rêve, Nicole Kidmann
Elle dort dans la chambre d’amis, je crois.
Je la regarde…
Elle est trop belle.
Mais elle a les yeux fermés
Ils sont importants ses yeux !
ses seins aussi..
mais ses pieds….
Non
Enfin peut-être..
Je ne crois pas…
Je crois seulement que je rêve d’être une star.
Prenons le temps ce soir de contempler les étoiles, le temps d’un instant, juste respirer.
Laisse moi l’envie de goûter à la chaleur de tes yeux brillants.
J’entends déjà le ruisselement de tes vêtements glissant de ta peau au mur.
Nous sommes là, sous la lumière de celles qui nous regardent et nous gâtent de paillettes, d’espoirs, en toi, en moi, en ce qu’il y a au fond des choses.
Nous sommes à la lisière de ce monde qui nous appartient, ce soir.
Les Limbes de la douceur vaporisent ma chair de légères montagnes de frissons.
Quand on est qu’un grain de sable dans le Sahara, il peut être difficile de croire qu’on est unique.
Ce monde où les gens parlent tout autour, sans cesse, et s’agitent.
C’est bruyant et inconfortable
Ils vomissent chaque secondes de leur vie, le moindre fragment.
L’image bleu asperge ma rétine d’un grand bouillon.
Alors que la terre digère l’inimaginable, un sol sec dessine des fissures sur ma peau et se nourrit de ce flux.
J’ai entendu il y a peu : “Tu dois avoir un grand vide en toi pour vouloir le remplir à ce point.”
Et là, on a pris la pelle et on a creusé le fond de mon estomac.
Alors je mange, je m’empiffre même.
L’ondulation de cet élan vertigineux, de vie,
une dernière danse, celle qui nous raccroche les uns aux autres
l’envie de se trouver, se retrouver, s’embrasser.
Je vois le poisson qui sautille encore au fond du seau,
la mouette blessée qui s’isole sur la falaise, pour trouver son temps, de paix, d’infini.
Je me vois, parfois, cette curieuse envie de danser, de chanter, de donner forme à des mots, de les partager avec vous
Se laisser aller,
Perdre pied
Sentir son corps couler s’écouler
et là
un souffle de vie
un mouvement
un accouchement peut-être
et surtout cette petite voix intérieure qui susurre dans l’oreille :
“c’est un souvenir, tu l’a déjà vécue, tu t’en rappelles ?”
Un jour, j’ai regardé la plante posée sur le rebord de ma fenêtre. Elle me regardait aussi.
J’en étais sûr.
Alors j’ai pris une de ses feuilles dans ma main pour la caresser.
Celle-ci s’est aussi vite retirée.
Un jour j’ai fait un rêve où elle m’apparut dans un mouvement de balancier puis dansa avec moi.
Pourtant si bien installée dans la forêt sur son socle de granite et recouverte de mousses vertes humides, elle semblait danser avec des gens regroupés autour d’elle.
Elle racontait en ses mouvements l’histoire de chacun, qui, un jour, tentèrent de la déloger de son nid.
Quelque temps plus tôt, mon grand-père, levé tôt ce matin-là, s’était écrié « On n’irait pas à la Pierre qui croule ? ».
C’était ce jour.
Après une promenade dans les bois, je la vis, grosse, impressionnante, exposée par un halo de soleil qui se posait sur sa peau rocheuse et froide.
À ses pieds, on pouvait observer un tas de branches ; celles avec lesquelles certains optimistes avaient tenté de l’ébranler.
Elle boudait là et personne ne pouvait la comprendre.
Or, c’est cette nuit-là, en songe, qu’elle me conta les histoires que le vent lui portait.
Elle connaissait les gens, plus que quiconque ; et plus que moi, elle connaissait mon grand-père.
Une fois qu’elle eut fini son histoire, j’écoutais enfin le bruit de la forêt qui s’agitait comme une mélodie.
Puis, soudainement, la pierre se mit à danser en rythme.
Dans une mimétique infernale qui lui faisait du bien, loin des regards, elle déployait enfin cette énergie emmagasinée et endormie jusqu’alors.
Je pense à ma peau gonflée
pleine d’eaux
rose mais livide
mes cheveux
soyeux mais cassants
mon corps
raide mais mou
je me rempli
je me vide
c’est incessant
insensé
j’ai l’énergie d’une moule
ou celle d’un rocher
j’aimerai tendre vers une forme plus fluide
plus élastique et grise.
Le vaysage qui s’étend devant moi est une promenade où je me plais à flâner.
Je regrette parfois de n’avoir pas su apprécier certains traits qui le méritaient, et d’avoir consacré trop de temps à d’autres qui m’ont épuisé.
Mais ce vaysage est un trésor inestimable, immatériel et inaltérable.
Il a laissé une empreinte indélébile sur ma peau, gravée au fer chaud dans mes souvenirs.
Des formes se superposent et se fondent les unes dans les autres, créant une invitation à la découverte sur un relief poétique, où l’on peut se perdre puis se retrouver.
Ce vaysage est un tableau mouvant, un reflet changeant de l’âme qui l’habite.
Il est vivant, vibrant de couleurs et de lumières, profond et huileux, tremblant et lumineux.
Quand il s’éveille, il me scrute droit dans les yeux, m’invitant à plonger dans les méandres de ses formes informes.
Et c’est ainsi que je vis comme première expérience ostentatoire le vaysage de ma mère.
C’est un lieu unique, son visage.
C’est un endroit qu’on ne visite jamais deux fois.
J’ai succombé à l’envie d’une balade sur les collines de ses joues.
Je me laisse guider par ce paysage humain, qui se dessine et s’estompe pas à pas, comme un miroir de mon âme.
A cet instant précis, j’ai pris conscience de mon Moi.
Caché derrière deux trous de serrure qui me sert d’ouverture sur le monde extérieur mais instable à l’intérieur de mon propre corps, je me sentais frétiller à l’idée d’en découvrir à nouveau.
Le désir de voyage me prit les tripes et je laissais glisser l’envie presque obscène de m’enivrer de ces trouvailles.
Mes yeux se laissent embarquer dans des creux et des bosses et nous avançions ensemble dans ce qui semblait être une randonnée.
On se ravitaille de sourire et de regards tendres, puis on continue cette marche lente sur les chemins de la douceur d’une peau maternelle.
Il y a là une grande peau qui se meut.
Geste gluant comme un mollusque,
Peau d’animal étendue
Ma seconde peau, cette mue
la rend vulnérable
côtoie le viscéral.
Et de ces maux l’on cache son visage
la bête que l’on est.
Dehors un miroir envoie
une lumière étrange
et dévoile légèrement
un cuir de monstre, qui tanne la peau.
Ce que l’on n’attend pas
nous ré articule,
envoi une lueur d’espoir,
une larme salée,
un regard amoureux,
une couette chaude.
Elles sont subsistantes, résistantes.
Dès leurs plus jeunes âges, elles ont affronté la vie.
Pas une belle vie, simple, comme on aime la lire dans les contes pour enfants,
une vie d’affronts, d’épreuves et de puissances invaincues, de peur et de sagesse.
Résilientes et déterminées à survivre à la guerre et ses horreurs.
Enfants, elles sont de celles qui ont vues leurs mères se faire violer, leurs chevaux tuer, leurs camarades pendus
Celles qui ont aidé leur mère à accoucher, à traverser le fleuve, la nuit, sur une petite barque, pour rejoindre un médecin,
Malgré le grondement des canons, celles qui ont échappé aux coups de couteau, aux menaces de morts, et qui malgré tout ont donné la vie.
Elles sont de celles qui, malgré l’âge, la maladie, la mémoire qui s’efface, résistent encore, et me prouvent que tout est possible.
Elles ont aujourd’hui les cheveux blancs, la peau flétrie mais douce.
Elles sont en vie, et parfois je me dis que je leur dois la mienne.
Peur au ventre, rage de survivre, l’aisance du sourire sur les joues, sont autant d’arguments qui m’amène ici pour leur dire merci.
Comme un héritage viscéral, cette propension à la résistance face à la douleur, la déprime ou l’oppression me fait reconnaître cette force vitale qui peut être mienne.
Gardée précieusement dans ma mémoire,
comme un talisman
Inébranlable.
Elles sont en moi, sorcières de mon âme.